tam
tam
roulait de
rythme
en
rythme
la frénésie
des yeux
la frénésie
des mains
la frénésie
des pieds de statues
depuis
combien de moi moi moi
sont morts
tam
tam
roulait de
rythme
en
rythme
la frénésie
des yeux
la frénésie
des mains
la frénésie
des pieds de statues
Léon Gontran DAMAS, pigments, Présence africaine, 1962
Il n'est poudre de pigment
Ni myrrhe
Odeur pensive ni délectation
Mais fleur de sang à fleur de peau
Carte de sang carte du sang
A vif à sueur à peau
Ni arbre coupé à blanc estoc
Mais sang qui monte dans l'arbre de chair
A crans à crimes
Rien de remis
A pic le long des pierres
A pic le long des os
Du poids du cuivre des fers des cœurs
Venins caravaniers de la morsure
Au tiède fil des crocs
Des crocs.
(Ferrements d'Aimé Césaire)
Cher frère blanc,
Quand je suis né, j'étais noir,
Quand j'ai grandi, j'étais noir,
Quand je suis au soleil, je suis noir,
Quand je suis malade, je suis noir,
Quand je mourrai, je serai noir.
Tandis que toi, homme blanc,
Quand tu es né, tu étais rose,
Quand tu as grandi, tu étais blanc,
Quand tu vas au soleil, tu es rouge,
Quand tu as froid, tu es bleu,
Quand tu as peur, tu es vert,
Quand tu es malade, tu es jaune,
Quand tu mourras, tu seras gris.
Alors, de nous deux,
Qui est l'homme de couleur ?
Léopold SEDAR SENGHOR)
Ode à l'amour, à la terre africaine
Femme nue, femme noire
Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
J'ai grandi à ton ombre; la douceur de tes mains bandait mes yeux
Et voilà qu'au cœur de l'été et de midi,
Je te découvre, Terre promise, du haut d'un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l'éclair d'un aigle
Femme nue, femme obscure
Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fait lyrique ma bouche
Savane aux horizons purs, savane qui frémit aux caresses ferventes du vent d'est
Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur
Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l'Aimée
Femme noire, femme obscure
Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l'athlète, aux flancs des princes du Mali
Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.
Délices des jeux de l'esprit, les reflets de l'or ronge ta peau qui se moire
A l'ombre de ta chevelure, s'éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.
Femme nue, femme noire
Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l'Eternel
Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.
Léopold Sédar Senghor, Chants d'ombre