Abomey


 





Abomey
Sept heures, la voiture s'ébranle, toutes vitres baissées, sur les pistes en direction d'Abomey. Félix notre chauffeur a glissé dans son radio-cassette une de ces chansons des années soixante, histoire de remonter le temps avant un plongeon dans le passé : au temps des rois d'Abomey. Nous bifurquons sur Lokossa, la circulation y est plus fluide.
Abomey, 120 000 habitants se profile avec ses maisons en banco, puis ses palais et temples érigés par les rois du Dahomey.
Il est des noms dont la puissance évocatrice est telle qu'ils suscitent instantanément un cortège d'images flamboyantes. L'antique royaume du Danhomè, dans l'actuel Bénin, fascina ainsi dès le XVIIIème siècle les premiers voyageurs européens éblouis par le faste de sa cour et l'allure martiale de ses amazones.




Sur la place de Goho, Béhanzin, le dernier roi du Dahomey nous stoppe dans notre élan. L'office du tourisme est tout près. Un guide nous sera fort utile pour découvrir dans ce dédale de ruelles, les dix palais qui s'étendaient à l'origine sur quarante sept hectares. Chaque palais est construit sur le même modèle architectural : groupés autour de plusieurs cours, tous les bâtiments avaient une fonction précise.


Palais du roi Houégbadja (1645 - 1685)
Selon la légende, la fille du roi de Tado (actuellement au Togo) fut fécondée par un léopard alors qu'elle allait puiser de l'eau. De cette union naquit un enfant nommé Agassou, fondateur du clan des Agassovi. Des querelles de succession, des batailles entre clans rivaux émaillent les premiers royaumes du Bénin. Dès le XVIème siècle, ils entrèrent en contact avec les portugais.
On considère que c'est le roi Houégbadja qui fonda le royaume du Danhomè. Les rois n'ont qu'un but: guerroyer pour agrandir leurs royaumes. C'est ainsi que le fils de Houégbadja jeta son dévolu sur le petit état du roi Dan qu'il décapitera avant de jeter son cadavre dans les fondations de son futur palais, le nom de Danhomè signifiant littéralement "sur le ventre de Dan"


Palais du roi Akaba (1685 - 1708)
Akaba, Fils du roi Houegbadja, introduisit la technique de la fusion du fer, l'arme blanche et inventa un nouveau sabre pour décapiter ses ennemis. Il encourageait diverses formes d'artisanat comme la taille des pierres précieuses, la broderie, la poterie et la teinture des tissus. Son palais abrita le premier bâtiment à étage. Akaba fit quelques guerres victorieuses mais d'autres restèrent sans succès contre le royaume de Porto Novo.
(La reine Hangbe (1708 – 1711) fille du roi Houegbadja et sœur jumelle du roi Akaba prend le pouvoir après la mort de son frère et règna trois ans dans son palais. Elle créa le célèbre corps des amazones, continua la guerre de son frère et défendit le royaume. Sous la pression énorme de la dynastie royale, qui ne voulait pas accepter une femme sur le trône, elle l'abandonna.


Palais du roi Agadja (1718 - 1732)

Frère d'Akaba, Agadja conquiert plusieurs royaumes voisins dont la ville de Ouidah. Le troc est simple : les rois d'Abomey exigent des armes européennes et fournissent en échange des contingents d'esclaves convoyés depuis Ouidah vers les plantations du Nouveau Monde ...


Palais du roi Guezo (1818 - 1858)
Le roi Guézo réorganise l’armée qui comprend des amazones et des soldats bien entraînés. Son règne, marqué par de nombreuses guerres, permet au Danhomey de s’affranchir de la domination politique d’Oyo. Guézo encourage la plantation des palmiers à huile, la culture du manioc, du maïs, du bananier et de l’arachide.


Le temple Zewa

Il fut construit pour apaiser les esprits d'un groupe d'épouses infidèles que Guézo fit exécuter en les recouvrant d'huile de palme rouge et en les livrant aux fourmis. Zéwa fut la dernière à mourir.
A dix ans les princes sortirent de la maison familiale des femmes pour être éduqués et formés. A 20 ans ils étaient présentés au roi. Il leur donna un terrain pour leur laisser construire leur maison. Le prince héritier devait construire sur un terrain de son choix, après consultation du Fa pour éviter des maladies et avoir la prospérité et la paix dans le futur quartier.


Palais du prince héritier Agonglo (1789 - 1797)

Le palais date du XVIIIème siècle et est un des mieux conservé. L'intérieur est orné de bas-reliefs représentant les noms et blasons des grands rois et chefs. Agonglo se rend populaire par une série de réformes sociales.


Temple Semassou Glele (1858 - 1889)

Le temple Semassou fait partie du culte royal Zomadonou avec 14 temples. Zomadonou incarne l'esprit des enfants mal formés dans les familles royales.
Le prince Sémassou naquit prématurément et prophétisa avant de mourir que de terribles événements s'abattraient sur le royaume. Les hommes de main du roi Glélé se débarrassèrent du corps de l'enfant dans un buisson. Le Dahomey connut alors 21 jours de guerre, d'épidémies et de destruction.
Lorsque le roi Glélé découvrit l'acte irrespectueux de ses hommes, son oracle lui conseilla d'ériger ce temple dédié à l'annonciation de Sémassou.
Sous ses toits de tôle rouillée l'on imagine combien de fêtes rituelles, d'audiences royales, de processions de dignitaires et de courtisans se succédèrent, faisant l'orgueil des souverains de l'ancien Danhomey. Il ne subsiste hélas de ces "Versailles africains" que les palais des rois Ghézo et Glèlé qui accueillent le musée historique.



A la découverte des bas-reliefs des palais de Guézo et de Glélé
La transformation des palais de Guézo (1818-1858) et de Glélé (1858-1888) en musée date de 1943. La double inscription du site où ils se trouvent sur la Liste du patrimoine mondial et la Liste du patrimoine mondial en péril nous a valu une meilleure conservation des bas-reliefs qui en ornent les murs.
Il est difficile de proposer une date de naissance aux bas-reliefs. Les sources orales à Abomey assurent néanmoins qu'ils sont contemporains des toiles appliquées et dateraient du règne d'Agadja (1708-1740).

L'information transmise par les bas-reliefs des façades des bâtiments royaux, témoins de l'histoire, est organisée horizontalement et verticalement en trois registres. Le chiffre 3 est synonyme de grande stabilité chez les Fon.
Le registre inférieur est celui de la signature royale ; il permet aux locuteurs de la langue fon d'identifier le propriétaire du palais à partir de son nom fort : Le buffle pour Guézo et lion pour Glélé.

Le registre médian est essentiellement consacré à la guerre ou à des images qui l'évoquent.

Le registre supérieur est fait d'images où l'on rend hommage aux ancêtres et aux dieux tutélaires de la famille royale.

Ces trois registres se déroulent comme une bande dessinée dont chaque bas-relief est un élément. Puisqu'ils sont fixés sur des pilastres, le même rythme ternaire se reproduit sur chacun d'eux, autorisant une lecture aussi bien horizontale que verticale. Le sens de lecture le plus pertinent paraît aller du bas vers le haut.

Pour ceux du palais de Glélé, ils pourraient se traduire comme suit : "Moi Glélé, propriétaire de ce palais, j'ai fait de nombreuses guerres comme Guézo mon père ; j'ai la protection de mes ancêtres et de mes dieux".





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